Suite au décès de Nahel : Les partis politiques La France Insoumise (LFI) et Europe Écologie-Les Verts (EELV) demandent l’abrogation de la loi de 2017 sur l’usage des armes à feu par les policiers

La députée Mathilde Panot, à la tête des députés insoumis, a déclaré que son groupe parlementaire allait présenter une proposition de loi visant à abroger un article vivement critiqué de la loi Cazeneuve, adoptée dans un contexte post-attentats.

Certains députés insoumis qualifient la loi du 28 février 2017, qui modifie les règles d’utilisation de l’arme de service des policiers, de « permis de tuer ». Également connue sous le nom de loi Cazeneuve, cette législation est vivement critiquée par une grande partie de la gauche depuis la mort de Nahel, un jeune homme tué par un tir de policier lors d’un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine).

Dès le lendemain de ce drame, le mercredi 28 juin, la députée Europe Écologie-Les Verts (EELV) Sophie Taillé-Polian a annoncé avoir déposé une proposition de loi visant à modifier ce texte afin de « mieux encadrer l’usage de la force par les forces de l’ordre en cas de refus d’obtempérer ». Cette initiative s’ajoute à celle de Mathilde Panot, la cheffe de file des députés insoumis, qui a exprimé son souhait d’abroger purement et simplement « la version de l’article 435-1 issu de la loi Cazeneuve créant un permis de tuer ».

Quels sont les éléments contenus dans ce texte ? Quels sont les reproches qui lui sont adressés ? Voici quelques éléments de réponse.

La loi Cazeneuve de 2017 : un assouplissement controversé de l’usage des armes à feu par les policiers

Une loi visant à assouplir l’usage des armes à feu pour les policiers a été adoptée en février 2017, en réponse à l’agression aux cocktails Molotov dont ont été victimes quatre policiers à Viry-Châtillon (Essonne) en octobre 2016. Cette loi relative à la sécurité publique avait pour objectif d’aligner la réglementation sur l’usage des armes à feu des policiers sur celle des gendarmes. À l’époque, la France était confrontée à une vague d’attentats terroristes (notamment les attaques contre Charlie Hebdo, le Bataclan et la promenade des Anglais à Nice), et les forces de l’ordre réclamaient une meilleure protection juridique lorsqu’elles étaient amenées à faire usage de leurs armes.

Porté par le Premier ministre socialiste de l’époque, Bernard Cazeneuve, et son ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, le texte dispose que les forces de l’ordre peuvent utiliser leur arme, conformément à l’article 435-1 du Code de la sécurité intérieure, « en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée ». Il énumère également une série de scénarios, y compris le cas d’un refus d’obtempérer, où il est possible d’ouvrir le feu sur un véhicule « dont les occupants sont susceptibles de causer, lors de leur fuite, des atteintes à leur vie, à leur intégrité physique ou à celle d’autrui ». Auparavant, les policiers étaient soumis au Code pénal et devaient prouver qu’ils se trouvaient en situation de légitime défense, comme tout citoyen.

Loi de 2017 sur l’usage des armes à feu par les policiers : Critiquée pour son ambiguïté et ses conséquences controversées

Lors de son adoption, cette disposition législative avait suscité de vives critiques de la part de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui dénonçait une « extension dangereuse des cas d’autorisation d’ouverture du feu » et mettait en garde contre les risques d’une « dérive à l’américaine ».

En 2017, seuls quelques députés contestataires, dont l’ancien socialiste Pouria Amirshahi, qui avait déposé une motion de rejet préalable, critiquaient le texte. « Votre projet de loi, en renforçant les possibilités de recourir à la force létale, risque d’entraîner davantage de décès », avait-il lancé dans l’hémicycle.

Cependant, l’application de cette loi est depuis lors fortement controversée. La gauche lui reproche son caractère ambigu. Comment définir un « cas d’absolue nécessité » ? Qu’entend-on par l’usage « strictement proportionné » d’une arme à feu ? Cette loi, sujette à interprétation, est jugée « trop ambiguë » et « permet aux policiers d’adopter une lecture très discutable concernant l’utilisation de leur arme », a déploré l’écologiste Sabrina Sebaihi lors d’une séance de questions au gouvernement.

Les opposants s’appuient notamment sur les travaux des chercheurs Sébastian Roché, Paul le Derff et Simon Varaine, dont une étude publiée en septembre 2022 dans la revue Esprit a révélé que « la loi de 2017 a entraîné une augmentation des atteintes à la vie des citoyens par la police ». Ils estiment que les tirs mortels de policiers sur des véhicules en mouvement ont été multipliés par cinq entre la période précédant l’adoption de la loi et celle qui a suivi, contrairement aux affirmations de Gérald Darmanin lors de la séance à l’Assemblée nationale du mardi 27 juin.

Bernard Cazeneuve souligne que cette loi n’est en aucun cas un « permis de tuer ».

Lors d’une interview avec l’AFP le jeudi 29 juin, il a affirmé : « C’est un texte qui stipule : ‘vous ne pouvez faire usage de votre arme que lorsque vous êtes en situation de légitime défense’. En dehors de la légitime défense, l’utilisation d’une force non proportionnée qui entraîne des drames peut entraîner une condamnation pénale des policiers ». L’ancien Premier ministre socialiste a précisé qu’il n’y a aucun alinéa dans cette loi qui légitime ce qui s’est passé à Nanterre. Il a demandé : « Où est ce fameux ‘permis de tuer’ dans ce texte ? » De plus, il a affirmé que selon cette loi, « si quelqu’un conduit un véhicule sans menacer personne de mort, on ne peut pas lui tirer dessus ». Le procureur de Nanterre avait également déclaré la semaine précédente que « les conditions légales autorisant l’usage de l’arme [par le policier] ne sont pas remplies ».

Néanmoins, Bernard Cazeneuve n’est pas opposé à une révision de la loi et propose d’examiner les éventuels problèmes qui pourraient se poser. Sur ce point, la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, est du même avis. Elle a déclaré sur LCP : « Je suis une fervente partisane de l’évaluation des lois en général ».

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