Dans une ambiance pour le moins agitée, les parlementaires de la Commission des affaires sociales ont adopté la proposition de loi du groupe Liot visant à abroger la réforme des retraites, à l’exception de l’article qui prévoyait la suppression de l’âge de départ à 64 ans. Cette décision permettra à la macronie de reprendre le contrôle avant le 8 juin, en déclarant le texte irrecevable et en mettant ainsi un terme aux débats.
Ce vote constitue une victoire en demi-teinte pour les opposants qui souhaitaient rétablir l’âge de départ à 64 ans. Cette mesure avait été rapidement abrogée en avril dernier et reste largement rejetée par une grande partie de la population.
La décision prise par la Commission des affaires sociales s’inscrit dans un climat tendu et témoigne des divisions persistantes autour de la réforme des retraites. Les débats houleux et l’atmosphère électrique qui ont accompagné ce vote reflètent l’importance et la sensibilité de cette question pour la société.
La gauche s’en est allé
La gauche a décidé de quitter la commission, notamment la Nupes, après avoir déposé des centaines d’amendements et de sous-amendements, tous bloqués par la présidente de la commission des Affaires sociales et le bureau. Cette décision prise en commission ouvre différentes perspectives. La première possibilité est que le débat ait lieu à l’Assemblée nationale le 8 juin prochain concernant cette proposition de loi. Les membres du groupe Liot devraient réintroduire l’article 1 visant à mettre fin à la retraite à 64 ans par le biais d’un amendement.
Cette manœuvre permettrait ainsi à la majorité présidentielle de reprendre le contrôle et de déclarer cet article irrecevable en raison de son incompatibilité avec l’article 40 de la Constitution. Cette disposition constitutionnelle, qui a fait l’objet de nombreux affrontements, stipule que toute proposition de loi impliquant une nouvelle charge financière pour l’État doit être compensée financièrement.
Se dirige-t-on vers l’article 40 ?
La proposition de loi des membres du groupe Liot prévoit de nouvelles taxes sur le tabac et propose l’organisation d’une « grande conférence de financement » pour envisager de nouvelles sources de financement pour les caisses de retraite. Cependant, pour la majorité présidentielle, ces recettes ne permettraient pas un retour à l’équilibre dès 2030. La taxe sur le tabac est toutefois une mesure courante dans les textes proposés par l’opposition ainsi que par la majorité, comme cela a été récemment le cas avec une proposition de loi sur le bien vieillir.
Considéré comme recevable par le bureau de l’Assemblée nationale fin avril, puis par le président de la commission des Finances Éric Coquerel (LFI) ce mardi, Yaël Braun-Pivet peut désormais reprendre la main lors de la séance du 8 juin prochain et mettre fin aux débats en invoquant cet article. Face à cela, on pouvait entendre ces derniers jours dans le camp des membres du groupe Liot :
« Si on nous sort l’article 40, nous sortirons un autre : l’article 24. Celui-ci spécifie que ‘le Parlement vote la loi’. À un certain moment, il est suffisant de ne pas vouloir que les députés s’expriment. »
L’autre hypothèse
Une autre hypothèse envisage la possibilité d’une réunion du bureau de l’Assemblée nationale qui reprendrait le contrôle après le dépôt du nouvel amendement et le déclarerait irrecevable avant son passage dans l’hémicycle.
Bien que le règlement prévoie « un examen systématique de la recevabilité des (…) amendements », il est courant que de nouveaux amendements ajoutés à une proposition de loi déjà rejetée par une commission ne soient pas soumis à nouveau au bureau.
« Juridiquement, rien n’oblige le bureau à se réunir. Mais nous constatons que nous avons des pratiques parlementaires qui peuvent être remises en question en examinant des points méconnus du règlement », souligne Benjamin Morel, professeur de droit public.
Cette tactique aurait l’avantage, pour la majorité présidentielle, d’éviter que la proposition de loi Liot ne monopolise l’attention médiatique et politique dans les prochains jours, mais ne suffirait pas à apaiser les tensions à l’Assemblée.
Bertrand Pancher, président du groupe Liot, a déjà évoqué la possibilité d’une future motion de censure, de quoi faire frissonner Élisabeth Borne qui a échappé de justesse au renversement de son gouvernement lors d’une précédente motion de censure, avec seulement 9 voix d’écart.
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