Étienne-Émile Baulieu, inventeur de la pilule abortive et figure majeure de la recherche médicale, s’est éteint à 98 ans

Le professeur Étienne-Émile Baulieu, pionnier de l’endocrinologie et inventeur de la pilule abortive RU-486, est décédé à l’âge de 98 ans ce vendredi 30 mai, à son domicile parisien. La nouvelle a été annoncée par son épouse, la productrice Simone Harari Baulieu.

Médecin, biologiste et chercheur engagé, Étienne-Émile Baulieu s’est illustré par ses travaux novateurs sur les hormones stéroïdes, aux retombées majeures aussi bien médicales que sociétales. Toute sa carrière fut guidée par une conviction profonde : la science devait contribuer à l’émancipation humaine, notamment celle des femmes. « Ses recherches étaient guidées par son attachement aux progrès permis par la science, son engagement en faveur de la liberté des femmes, sa volonté de permettre à tous de vivre mieux plus longtemps », a déclaré son épouse dans un communiqué.

Un engagement précoce et une carrière hors normes

Né en 1926, orphelin de père à l’âge de trois ans, il grandit auprès d’une mère féministe. À seulement 15 ans, il entre dans la Résistance. Ce goût pour l’engagement ne le quittera jamais. Formé en médecine, il choisit de consacrer sa vie à la recherche, en particulier à l’étude des hormones sexuelles.

Remarqué en 1961 par Gregory Pincus, père de la pilule contraceptive, Baulieu est invité à travailler aux États-Unis avant de revenir en France. C’est là qu’il met au point, en collaboration avec le laboratoire Roussel-Uclaf, une molécule révolutionnaire : la RU-486. Commercialisée dans les années 1980, cette « pilule abortive » — selon ses propres mots, un « contragestif » — offre une alternative non chirurgicale à l’interruption volontaire de grossesse. Moins coûteuse et moins invasive, elle deviendra un symbole des droits des femmes.

Mais l’introduction de cette molécule se heurte à une vive opposition. Aux États-Unis, des ligues anti-avortement mènent une campagne féroce contre lui, allant jusqu’à l’accuser d’avoir inventé une « pilule de la mort ».

Une reconnaissance tardive mais éclatante

En mars 2023, le président Emmanuel Macron lui remet la Grand-Croix de la Légion d’honneur, saluant son courage et sa résilience face aux attaques. « Vous, juif et résistant, on vous a accablé des plus atroces injures et on vous a comparé aux savants nazis (…) Mais vous avez tenu bon, par amour de la liberté et de la science », déclarait alors le chef de l’État.

Avec la disparition d’Étienne-Émile Baulieu, la communauté scientifique perd une figure d’exception, dont l’œuvre aura marqué non seulement la médecine mais aussi le combat pour les droits et les libertés.