À peine nommé Premier ministre, François Bayrou fait face à une polémique grandissante après un aller-retour à Pau, sa ville dont il est toujours maire, en pleine crise à Mayotte. Tandis que l’archipel fait face à une situation dramatique après le passage d’un cyclone, le chef du gouvernement a préféré présider le conseil municipal de Pau, provoquant un tollé dans la classe politique
Un déplacement qui interroge
Lundi 16 décembre 2024, François Bayrou a quitté Paris pour Pau, où il a assisté au conseil municipal de sa ville. Lors de cette réunion, il a défendu avec ferveur le retour du cumul des mandats pour les parlementaires, interdit depuis 2014. Cette déclaration, qui s’inscrit dans son discours politique général à venir, a été mal accueillie, tant pour son timing que pour son fond. « On a l’impression que Mayotte est une crise de seconde zone », s’est indignée une députée du bloc central.
Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, a également dénoncé cette initiative : « Lorsqu’on exerce une fonction, on doit l’exercer à plein temps. Ce n’est pas le moment de remettre le cumul des mandats sur la table. » À gauche, Olivier Faure a qualifié ce débat de « totalement hors sujet pour les Français », tandis qu’à droite, Thibault Bazin a jugé que « le conseil municipal pouvait se passer de son maire vu la situation à Mayotte ».
Une gestion critiquée de la crise à Mayotte
Alors que Mayotte fait face à une urgence humanitaire, François Bayrou a assuré suivre la situation de près « en visioconférence » depuis Pau, en lien avec le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. Cette justification n’a pas suffi à apaiser les critiques. Le contraste avec son prédécesseur, Gabriel Attal, impliqué de bout en bout lors d’une crise sanitaire à Mayotte quelques mois plus tôt, a été souligné par plusieurs élus.
« Ce déplacement est symboliquement dramatique », a estimé Manuel Bompard (La France insoumise). Même au sein du MoDem, certains membres peinent à défendre leur chef de file. « C’est peut-être malhabile », a concédé le député Richard Ramos, tandis qu’un élu centriste s’est montré plus direct : « Tout ça ne donne vraiment pas une bonne impression. »
Un cumul des mandats qui divise
Au-delà de ce déplacement controversé, c’est la défense du cumul des mandats qui cristallise les tensions. François Bayrou plaide pour « réenraciner les responsabilités politiques dans les territoires ». Mais pour de nombreux élus, cette proposition semble déconnectée des priorités actuelles, notamment du pouvoir d’achat et de la sécurité. « C’est une faute politique importante », a commenté un opposant local, tandis que le RN a regretté que cette prise de position soit « très éloignée des attentes des Français ».
Un départ tumultueux à Matignon
Après seulement quelques jours en fonction, François Bayrou accumule les faux pas, suscitant des critiques unanimes, y compris parmi ses alliés. Doté de seulement 36 députés à l’Assemblée nationale, le Premier ministre devra rallier un large spectre politique pour faire passer son budget 2025. « Mais qui voudra se brûler pour un chef de gouvernement qui multiplie les maladresses ? », s’interroge un député Les Républicains.
L’atmosphère promet d’être électrique à l’Assemblée, où François Bayrou devra répondre ce mardi aux questions des parlementaires, sans l’appui de ministres encore à nommer. Le Premier ministre, engagé dans une situation délicate, devra faire preuve d’une grande habileté pour restaurer sa crédibilité.