Cannes 2025 : Jafar Panahi décroche une Palme d’or sous haute charge symbolique

Le cinéaste iranien dissident a triomphé samedi soir avec “Un simple accident”, un film clandestin à la portée politique forte. Retour sur un palmarès éclatant marqué par l’émotion, la diversité et quelques surprises.

Malgré une importante panne d’électricité ayant plongé Cannes et ses alentours dans le noir samedi matin, la cérémonie de clôture du 78ᵉ Festival s’est tenue sans accroc. Au terme de douze jours de compétition, c’est l’Iranien Jafar Panahi qui a reçu la prestigieuse Palme d’or pour Un simple accident, un film tourné clandestinement dans son pays alors qu’il était toujours sous le coup d’une interdiction de filmer.

Le réalisateur, figure majeure du cinéma d’auteur et symbole de la résistance artistique face au régime iranien, a livré un conte moral poignant, centré sur des ex-prisonniers tentés par la vengeance. “Le plus important, c’est la liberté de notre pays”, a-t-il lancé, visiblement ému, en recevant son prix. Une déclaration saluée comme un moment fort du festival.

Un palmarès audacieux et engagé

Le Grand Prix a été attribué au Norvégien Joachim Trier pour Sentimental Value, drame introspectif porté par Renate Reinsve, où il explore l’amour, le deuil et la complexité des liens familiaux.

Côté interprétation, Wagner Moura a remporté le prix masculin pour son rôle d’homme traqué dans L’Agent secret, un thriller politique haletant de Kleber Mendonça Filho, qui repart également avec le Prix de la mise en scène. Le film, situé dans les années 1970 sous la dictature militaire brésilienne, a marqué les esprits par son intensité.

Du côté des révélations, Nadia Melliti, encore inconnue du grand public, a décroché le Prix d’interprétation féminine pour La Petite dernière de Hafsia Herzi, adaptation du roman de Fatima Daas. Le film retrace avec pudeur le cheminement intime d’une jeune homosexuelle musulmane en banlieue parisienne.

Le Prix du scénario a salué Jeunes mères des frères Dardenne, fidèles à leur cinéma social et rigoureux. Leur récit d’une maternité précaire est déjà en salles.

Le Prix du Jury a été attribué ex aequo à deux œuvres aux antipodes : Sirât d’Oliver Laxe, un trip sensoriel halluciné à la recherche d’une enfant disparue, et Sound of Falling de Mascha Schilinski, fresque féminine s’étendant sur un siècle dans une ferme allemande.

Nouveaux talents et hommages inattendus

La Caméra d’or, qui récompense un premier film, a été remise à The President’s Cake de l’Irakien Hasan Hadi, une fable politique vue à hauteur d’enfant. Une mention spéciale est revenue à My Father’s Shadow, de Akinola Davies Jr.

Le Prix spécial du jury, remis par la présidente Juliette Binoche, est allé à Résurrection du Chinois Bi Gan, salué comme “un film magnifique”.

Enfin, la Palme du court métrage a distingué I’m Glad You’re Dead Now de Tawfeek Barhom, récit intense de deux frères confrontés à leur passé.

Un festival entre tensions et triomphes

Présidé par Juliette Binoche, le jury comprenait notamment l’acteur américain Jeremy Strong, la star Halle Berry, l’autrice Leïla Slimani et le cinéaste Hong Sang-soo. Leur sélection finale témoigne d’un équilibre entre propositions radicales, engagement politique et émotions universelles.

Malgré la coupure de courant qui a brièvement interrompu une projection samedi matin, la sécurité de la cérémonie n’a jamais été compromise, ont précisé les organisateurs. Le Palais des Festivals étant équipé d’un système d’alimentation indépendant.

Cannes 2025 s’achève ainsi sur une note engagée et profondément humaine, avec une Palme d’or qui, au-delà de l’art cinématographique, résonne comme un acte de courage et d’espérance.