Les organisations ont révélé mercredi dans un communiqué que les faits dénoncés, documentés dans un rapport d’enquête par un cabinet d’experts, se sont déroulés « entre la fin des années 1970 et 2005 », précisant que l’une des victimes était mineure lors des premiers incidents
Sept femmes ont témoigné de gestes déplacés, certains qualifiés d’agressions sexuelles, commis à leur encontre par le fondateur du mouvement Emmaüs, selon le journal La Croix qui révèle ces témoignages.
Accusations choquantes au sein d’Emmaüs
Une révélation de huit pages a créé la stupeur au sein du mouvement Emmaüs. Le journal La Croix rapporte que l’Abbé Pierre, fondateur de l’organisation et figure emblématique de la lutte contre le mal-logement, est accusé par sept femmes de gestes déplacés entre 1970 et 2005. Certaines de ces actions pourraient être qualifiées par la justice d’agressions sexuelles, tandis que d’autres relèvent de propos sexistes et de sollicitations, selon un rapport rendu public par Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre.
Un premier témoignage déclencheur
En juin 2023, une première femme a contacté les responsables d’Emmaüs France, affirmant avoir subi des agressions sexuelles de la part de l’Abbé Pierre à la fin des années 70 et au début des années 80. À l’époque, ses parents étaient des amis de l’homme d’Église. Alors qu’elle était mineure, elle raconte que l’Abbé Pierre, de 50 ans son aîné, lui avait touché la poitrine à plusieurs reprises alors qu’il était invité dans la maison familiale.
Agressions multiples et demande de pardon
Cette femme relate également une autre agression sexuelle survenue alors qu’elle était majeure. À son retour d’un voyage en Italie, l’Abbé Pierre aurait « introduit sa langue dans [sa] bouche de manière brutale et totalement inattendue ». D’autres propositions à caractère sexuel lui ont été faites par le fondateur d’Emmaüs. Elle témoigne qu’en 2003, quatre ans avant son décès, l’Abbé Pierre lui a demandé pardon en présence de son père.
Contacts forcés et témoignages accablants
Après un premier témoignage poignant, Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé Pierre ont sollicité le cabinet Egaé, spécialiste des violences sexistes et sexuelles, pour une enquête indépendante. Trois mois plus tard, les résultats de cette investigation sont tombés : douze entretiens ont été conduits, révélant que sept femmes ont été victimes de comportements déplacés de la part de l’Abbé Pierre, personnalité préférée des Français à 16 reprises. Une des victimes a même parlé des répercussions psychologiques sévères.
Le rapport met en lumière un schéma d’agressions perpétrées à l’abri des regards, souvent dans des chambres d’hôtel ou des bureaux. Une des femmes se souvient d’attouchements à la poitrine dans une chambre d’hôtel, tandis que d’autres décrivent des gestes similaires ainsi que des courriers explicites quant aux intentions de l’homme d’Église. Les faits les plus anciens remontent à 1970 et les plus récents à 2005, alors que l’Abbé Pierre avait 92 ans.
De nouveaux témoignages à venir
L’enquête du cabinet Egaé, dirigé par Caroline De Haas, a aussi révélé qu’une femme était au courant d’autres incidents survenus dans les années 1950. Le rapport mentionne que quatre autres potentielles victimes ont été identifiées mais n’ont pas encore été entendues, soit par choix, soit par contrainte.
L’Abbé Pierre avait lui-même admis des écarts à son vœu de chasteté. « J’ai connu l’expérience du désir sexuel et de sa très rare satisfaction », déclarait-il dans un livre d’entretiens avec Frédéric Lenoir en 2005. Lors de son passage à l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », il parlait de « faiblesses » et d' »incidents passagers ». Il soulignait la difficulté de maintenir certaines positions extrêmes de l’engagement religieux.
Le cabinet Egaé a relevé que « plusieurs personnes étaient informées que l’Abbé Pierre avait un comportement inadapté envers les femmes, sans pleinement réaliser l’ampleur des violences commises ». Emmaüs, suivant l’exemple de l’Église dans sa lutte contre les violences sexuelles, a mis en place une ligne d’écoute au 01.89.96.01.53 et un email à emmaus@groupe-egae.fr pour recueillir d’autres témoignages. « L’expertise du groupe Egaé nous laisse penser qu’il y a probablement d’autres personnes concernées, dans des proportions difficiles à estimer », conclut le rapport.