Une situation politique incertaine
Le camp présidentiel a perdu sa majorité relative au profit du Nouveau Front populaire lors du second tour des législatives de dimanche. Cependant, la coalition de gauche est loin d’atteindre les 289 sièges nécessaires pour obtenir une majorité absolue. Cette situation politique crée une grande incertitude.
« Ça ne se fait pas sur un coin de table », a commenté un proche d’Emmanuel Macron à l’issue du second tour des élections législatives. Les discussions pour former une coalition gouvernementale s’annoncent difficiles, les résultats du dimanche 7 juillet ayant fragmenté l’Assemblée nationale en trois blocs. Contrairement aux sondages, c’est le Nouveau Front populaire (NFP), alliance des partis de gauche, qui est arrivé en tête, surpassant le Rassemblement national. Les leaders de l’ex-Nupes ont immédiatement revendiqué leur légitimité à gouverner, bien qu’ils n’aient pas obtenu la majorité absolue. Le parti d’extrême droite a terminé troisième, tandis que le camp présidentiel a mieux résisté que prévu en prenant la deuxième place.
Un Chef de gouvernement en attente
« Fidèle à la tradition républicaine », Gabriel Attal a annoncé qu’il remettrait sa démission au président de la République lundi matin, tout en anticipant de rester chef du gouvernement le temps de constituer un nouveau cabinet. « Notre pays connaît une situation politique sans précédent et se prépare à accueillir le monde dans quelques semaines. Aussi, j’assumerai bien évidemment mes fonctions aussi longtemps que le devoir l’exigera », a-t-il affirmé en référence aux Jeux Olympiques. Dans les couloirs du pouvoir, l’incertitude régnait. « On attend la suite », a confié une source ministérielle.
Des turbulences, pas une crise de régime
A l’Elysée aussi, on temporise. Le chef de l’Etat, qui ne s’est pas exprimé dimanche soir, attendra la « structuration » de la nouvelle Assemblée nationale pour « prendre les décisions nécessaires », a indiqué la présidence. Dans son entourage, on se demande ouvertement quelle coalition cohérente pourrait atteindre les 289 députés nécessaires pour gouverner. Selon les estimations Ipsos-Talan pour France Télévisions, Radio France, France 24, RFI et LCP, le Nouveau Front populaire obtiendrait entre 177 et 192 sièges, le camp présidentiel entre 152 et 158 sièges, et le RN entre 138 et 145 sièges. « On ne sait pas qui va gouverner », a déclaré Simon Persico, enseignant-chercheur en sciences politiques à Grenoble. « On connaît les forces politiques, mais il faut maintenant s’accorder sur un programme. Tout cela prend du temps. »
« Nous vivons des turbulences, pas une crise de régime », a ajouté le constitutionnaliste Thibaud Mulier. « Institutionnellement, cela peut fonctionner. Il y aura des reconfigurations importantes dans la pratique, mais le texte de la Ve République est suffisamment malléable. » Depuis Matignon, Gabriel Attal a appelé à entrer dans une « nouvelle ère ». « Il faudra inventer quelque chose de neuf, de grand, d’utile. Pour cela, nous devrons assumer de tout remettre en question », a plaidé le Premier ministre.
Fin de l’hégémonie Macroniste
Le temps de l’hégémonie macroniste est terminé, tout comme la période des deux années mouvementées au Palais-Bourbon où le camp présidentiel n’avait qu’une majorité relative. « Il ne faut pas reproduire les erreurs de 2022. Donc tirer les conséquences du vote avec une coalition de projet », a assuré un proche d’Emmanuel Macron.
Les chefs de partis du camp présidentiel ont déjà commencé à définir les contours des négociations, tant sur le fond que sur la forme. « Nous formaliserons des conditions préalables à toute discussion en vue d’une majorité de projet », a déclaré le patron de Renaissance, Stéphane Séjourné, en citant la défense de la laïcité, le soutien à l’Ukraine, la lutte contre le dérèglement climatique et la sécurité comme priorités gouvernementales. « Je suis prêt à travailler avec l’ensemble des partis républicains », a-t-il ajouté, tout en excluant « Jean-Luc Mélenchon et un certain nombre de ses alliés ». De son côté, Edouard Philippe a appelé à la création d’un accord pour stabiliser la situation politique, en excluant toute alliance avec le RN ou LFI. « Mais cet accord ne sera pas durable. Il permettra au mieux de gérer le pays », a-t-il prévenu.
Les défis du Nouveau Front Populaire
Au sein du Nouveau Front populaire, les ténors des quatre principaux partis alliés (LFI, PS, EELV et PCF) se montrent unis dans leur volonté de gouverner malgré l’absence de majorité absolue. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens et les partis divergent sur une éventuelle coalition. Jean-Luc Mélenchon, chef des insoumis et première force en sièges au sein du NFP, a affirmé que « le président a le devoir d’appeler le Nouveau Front populaire à gouverner » et a exclu toute discussion avec le camp présidentiel.
Les socialistes, quant à eux, ont une position plus nuancée. Olivier Faure, premier secrétaire du PS, a déclaré que le programme de l’alliance de gauche serait sa « seule boussole » et a demandé au camp présidentiel de ne « jamais mêler [ses] voix à celles de l’extrême droite pour empêcher le Nouveau Front populaire de gouverner ». François Hollande, de nouveau élu député en Corrèze, a estimé que le NFP devait « chercher, s’il peut, à agréger d’autres familles politiques », bien que cela s’annonce « très difficile ». Un cadre socialiste a ajouté qu’il fallait que le Premier ministre ait l’agrément du président, des macronistes, des socialistes et d’une partie de LFI.
Les écologistes semblent également ouverts à l’idée de trouver des soutiens. « Comme nous sommes le groupe arrivé en tête, il nous revient de construire des majorités autour de notre projet », a déclaré Yannick Jadot sur BFMTV. La patronne des Verts, Marine Tondelier, a cependant temporisé en affirmant que « ce n’est pas encore le moment de proposer un ou une Première ministre ».
Intenses tractations en vue
Les discussions ne font que commencer à gauche. Clémentine Autain, députée LFI, a proposé que les quatre partis de gauche se réunissent lundi pour discuter d’un nom de Premier ministre à proposer à Emmanuel Macron. Cependant, convaincre des députés moins à gauche de soutenir le projet du NFP s’annonce difficile. Léon Deffontaines, du PCF, a listé les priorités comme la réforme des retraites, l’augmentation des salaires et des pensions de retraite. Manuel Bompard, réélu député des Bouches-du-Rhône, a insisté sur « l’augmentation du SMIC », « le blocage des prix des produits de première nécessité » et « l’abrogation de la réforme des retraites ».
Le président pourrait aussi s’appuyer sur un autre groupe pour tenter de former une majorité absolue. Les Républicains, ayant mieux résisté que prévu, pourraient apporter le soutien de leurs députés à un gouvernement penchant vers la droite, éventuellement avec le soutien des députés RN sur certains textes.
Quelle que soit la direction choisie, les négociations seront longues. Un conseiller ministériel était convaincu avant même les résultats du second tour que la construction d’une coalition serait un héritage important du macronisme : « Si dans dix ans, on a appris à faire des coalitions, ça aura servi. »