Après avoir donné la priorité à la voie diplomatique, la CEDEAO change radicalement de position. La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a émis une directive le jeudi 10 août, ordonnant le déploiement imminent d’une « force en attente » en vue de rétablir l’ordre constitutionnel au Niger suite au renversement du président Mohamed Bazoum le 26 juillet.
À la suite d’une réunion à Abuja (Nigeria), les dirigeants des États membres de cette alliance régionale ont donné leur approbation pour que l’opération débute dans les plus brefs délais, selon les propos du président ivoirien Alassane Ouattara. H24 a récapitulé les détails connus de cette force militaire et de son activation.
- 2500 hommes qui peuvent intervenir rapidement
La Force en Attente de la CEDEAO (FAC) est constituée de militaires, de policiers et de civils provenant des États membres (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone et Togo), selon une déclaration de l’alliance régionale. Elle a succédé à l’Ecomog en 2004, la Brigade de surveillance du cessez-le-feu de la CEDEAO créée en 1990 pour ramener la paix au Liberia déchiré par la guerre civile. En 1997, ses troupes ont réussi à rétablir la paix au Liberia et se sont retirées deux ans plus tard.
En termes d’effectifs, la CEDEAO dispose d’un groupe de forces d’environ 2 500 hommes, capable d’un déploiement très rapide, explique Djenabou Cisse, experte en sécurité en Afrique. L’alliance n’a pas précisé le nombre ni l’origine des militaires de la FAC qui pourraient intervenir au Niger. Cependant, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a annoncé que son pays contribuerait avec un bataillon de 850 à 1 100 hommes, en collaboration notamment avec le Nigeria et le Bénin, et que d’autres pays se joindraient également. Djenabou Cisse estime qu’il est difficile de prédire l’ampleur exacte des effectifs qui pourraient être déployés au Niger, étant donné que cela dépendra de la disponibilité des États membres, la plupart d’entre eux étant déjà confrontés à des défis sécuritaires sur leur propre territoire, tels que la menace terroriste.
- La CEDEAO n’en est pas à sa première intervention
La FAC peut être mobilisée pour rétablir ou consolider la paix dans un pays membre, ainsi que pour soutenir des opérations humanitaires. À cet égard, la CEDEAO est intervenue militairement à plusieurs reprises ces dernières années. Après le Liberia, l’Ecomog a été déployée en 1997 en Sierra Leone, en proie à une guerre civile depuis six ans. Son contingent nigérian a chassé la junte militaire et rétabli le président Ahmad Tejan Kabbah au pouvoir. Deux ans plus tard, elle est intervenue en Guinée-Bissau, confrontée à une rébellion sanglante, puis en Côte d’Ivoire en 2002, où une rébellion avait également éclaté.
En 2013, la CEDEAO a autorisé l’envoi immédiat d’une force d’intervention au Mali, conformément à une résolution des Nations Unies, pour aider Bamako à reprendre le contrôle du nord du pays face aux groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Selon Jeune Afrique, cette intervention a préparé le terrain pour l’arrivée d’une force de maintien de la paix de l’ONU. Enfin, la FAC a été déployée en Gambie, où le président sortant Yahya Jammeh a refusé de quitter le pouvoir après la victoire d’Adama Barrow à la présidentielle de 2017.
Bien qu’aucun calendrier précis n’ait été communiqué concernant le déploiement de la FAC, Alassane Ouattara a été catégorique : la menace d’intervention est sérieuse et l’opération pourrait commencer très prochainement. Moïse Gomis, correspondant de France 24 à Abuja, a précisé que même si une intervention n’était pas imminente, la décision était prise et les militaires plancheraient sur une opération qui se déroulerait au Niger.
Cependant, une question juridique reste en suspens : pour le déploiement de la FAC, il faut l’autorisation de l’Union africaine, qui détient la primauté en matière de gestion des conflits sur le continent, suivie par celle du Conseil de sécurité des Nations Unies, selon la Fondation pour la recherche stratégique. Arthur Banga, historien des relations internationales et maître de conférences à l’université de Côte d’Ivoire, estime que bien qu’un mandat de l’ONU pourrait renforcer la légitimité de l’intervention militaire, la CEDEAO est déjà intervenue sans un tel mandat, comme au Liberia ou en Guinée-Bissau, ce qui ne devrait donc pas être un obstacle majeur. De son côté, le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, a exprimé son « ferme soutien aux décisions de la CEDEAO ».
Il est indéniable que la communauté ouest-africaine n’écarte pas complètement la voie diplomatique, qui a été privilégiée jusqu’à présent. À la fin du sommet d’Abuja, le président du Nigeria, Bola Tinubu, actuel président tournant de l’alliance, a exprimé l’espoir d’une résolution pacifique, tandis que le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Touray, a réaffirmé l’engagement continu envers le rétablissement de l’ordre constitutionnel par des moyens pacifiques. Djenabou Cisse considère que cette menace d’intervention pourrait être interprétée comme un ultime moyen de pression.
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