COP28 à Dubaï : Éclaircissements sur les Allégations de “Conflit d’Intérêts” à l’Encontre de Sultan al-Jaber, Président de la Conférence sur le Climat

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  • Dernière modification de la publication :8 décembre 2023

Controverses autour de Sultan Al Jaber, président de la COP28 à Dubaï, critiqué pour ses liens avec l’industrie pétrolière, alors qu’il défend ses engagements écologiques. La question épineuse des conflits d’intérêts émerge à l’ouverture de la conférence climatique aux Émirats arabes unis. Alors qu’il occupe simultanément les postes d’émir, de ministre et de président de la COP28, Al Jaber affirme que ses responsabilités ne sont pas en contradiction…

Toutefois, cette position est fortement contestée par des détracteurs occidentaux, y compris des responsables politiques et des ONG, qui redoutent que ses liens avec l’industrie pétrolière ne compromettent les objectifs mondiaux en matière de transition écologique, notamment dans le domaine des énergies fossiles.

Une enquête minutieuse à l’appui

L’enquête de la BBC repose sur une analyse approfondie de 150 pages de briefings, compilées par l’équipe de la COP28 lors de rencontres avec Sultan al-Jaber entre juillet et octobre 2023. Ces documents, obtenus par des journalistes du Centre for Climate Reporting (CCR) à partir d’une source anonyme par crainte de représailles, ont été authentifiés par le CCR.

Selon la BBC, ces briefings, élaborés par les organisateurs émiratis, étaient destinés à des réunions avec au moins 27 gouvernements étrangers avant le sommet. Les documents révèlent des “points de discussion” tels qu’un message à destination de la Chine, indiquant que la compagnie Adnoc envisage une collaboration pour évaluer les opportunités internationales dans le gaz naturel liquéfié (GNL) au Mozambique, au Canada et en Australie. Le GNL, en hausse en Europe et dans le monde, a pris une importance accrue depuis que l’Union européenne a décidé de réduire sa dépendance au gaz russe en se tournant vers le GNL américain, bien que cela pose des problèmes en raison de l’utilisation généralisée de la fracturation hydraulique, responsable d’environ 80% du GNL.

Un autre document suggère d’informer un ministre colombien que Adnoc est prête à soutenir le développement des ressources en énergies fossiles du pays. La BBC rapporte des remarques similaires concernant l’Égypte et l’Allemagne dans d’autres documents. Une note sur le Brésil soulève la possibilité d’obtenir des informations pour aligner l’offre tarifaire émiratie sur celle d’une grande compagnie d’Amérique latine.

Al Jaber ne reconnait pas ces accusations et il réfute tout en bloc

“Les allégations avancées sont entièrement erronées, inexactes et incorrectes”, a déclaré Sultan Al Jaber à Dubaï, réfutant les accusations lors d’un événement sur le site de la COP28 ce mercredi. Interrogé par des journalistes, il a ajouté : “Pensez-vous sérieusement que les Émirats arabes unis, ou moi-même, ayons besoin de la COP ou de la présidence de la COP pour conclure des accords ou établir des relations commerciales ? Je n’ai jamais eu connaissance de ces termes ni les ai jamais utilisés.”

La réaction du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a également été de l’incrédulité : “Je ne peux pas croire que cela soit vrai”, a-t-il déclaré en répondant aux journalistes. Christiana Figueres, ancienne cheffe de l’ONU Climat, a quant à elle souligné que Sultan Al Jaber avait été pris “la main dans le sac”, comparant les révélations au scandale du diesel de Volkswagen en 2015. Kaisa Kosonen, coordinatrice des politiques chez Greenpeace International, a insisté sur la nécessité pour le sommet de se concentrer sur l’avancement de solutions climatiques impartiales plutôt que sur des transactions en coulisses alimentant la crise.

Des sénateurs américains, ayant alerté ces derniers mois sur les risques de conflits d’intérêts, ont également exprimé leur préoccupation face à ces nouvelles révélations.

Des avis partagés selon des convictions où des suspicions

La COP28 rejette fermement les allégations relatives à des documents jugés “inexacts”, selon un porte-parole de l’organisation. Ce dernier a déclaré que les documents mentionnés dans l’article de la BBC ne sont pas conformes à la réalité et n’ont jamais été utilisés au cours des réunions de la COP28. Il a exprimé sa déception quant à l’utilisation par la BBC de documents non vérifiés. La BBC rapporte que l’équipe des Émirats arabes unis n’a pas contesté l’utilisation de réunions de la COP28 pour des discussions commerciales, en soulignant que “les réunions privées demeurent privées”.

Selon le Centre for Climate Reporting et la BBC, plus d’une douzaine de pays sollicités par ces deux organismes n’ont pas répondu. Certains ont contesté l’existence de discussions commerciales avec Sultan al-Jaber, malgré la présence de points de discussion dans les briefings préparés avant les réunions. Cinq autres pays affirment qu’aucune réunion de ce type n’a eu lieu.

La réaction du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a été celle de l’incrédulité : “Je ne peux pas croire que cela soit vrai”, a-t-il déclaré lors d’une séance de questions-réponses avec des journalistes. L’ancien vice-président américain Al Gore, lauréat du prix Nobel de la Paix en 2007, a partagé sa consternation sur le réseau social, soulignant que les journalistes d’investigation ont confirmé les pires craintes concernant la nomination de Sultan al-Jaber, révélant ainsi que le président désigné utilise les réunions avec les nations du monde pour promouvoir les ventes de pétrole et de gaz.

Une influence  bien au-delà de l’Occident ?

Malgré les critiques et les reproches, Sultan Al Jaber et les Émirats arabes unis représentent une force alternative sur les questions de développement et de lutte contre le réchauffement climatique pour de nombreux pays. Depuis longtemps, les nations occidentales exhortent les puissances émergentes à embrasser la voie de la transition écologique, risquant ainsi de freiner leur croissance, tout en promettant des fonds d’aide qui tardent à se concrétiser.

En mai, le président des Seychelles, dont le territoire est menacé par la montée des eaux, a dénoncé sur CNN le non-respect des promesses par les pays occidentaux, tandis qu’il saluait les Émirats arabes unis pour avoir financé des centrales éoliennes et solaires dans son pays. “L’engagement des Émirats arabes unis en dit long”, a souligné le président des Seychelles.

Interrogé par CNN sur le fait que les Émirats arabes unis, en tant qu’État reposant sur l’exploitation du pétrole, accueillent la COP28, le président du Kenya, William Ruto, leader de la transition écologique en Afrique de l’Est, n’y voit aucun inconvénient. Il souligne que les Émiratis sont les “plus gros investisseurs en matière d’énergies renouvelables”.

Cette position a été reprise par le président de la COP28, Sultan Al Jaber, qui a plaidé lors de la cérémonie d’ouverture à Dubaï en octobre pour un acheminement rapide et fluide des fonds vers les pays du Sud, afin qu’ils n’aient pas à choisir entre l’action climatique et le développement.

Compensations pour les pays vulnérables

La COP27 à Charm-el-Cheikh, en Égypte, en 2022, a marqué une avancée majeure avec la création d’un fonds destiné à compenser les “pertes et dommages” des pays particulièrement vulnérables aux désastres climatiques et historiquement moins responsables des émissions de gaz à effet de serre.

Cependant, la mise en œuvre de ce fonds se révèle complexe, et les négociations stagnent depuis un an. Des questions cruciales restent à résoudre, telles que qui doit payer, qui en bénéficiera et qui sera chargé de sa gestion. Malgré cela, un fragile compromis sur son fonctionnement a été trouvé début novembre, et Sultan Al Jaber espère qu’il sera ratifié par les pays dès le début de la COP28, créant ainsi une dynamique positive.

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