Quelles sont les conséquences écologiques de l’explosion du barrage de Kakhovka ?
Alors que les eaux en aval du barrage subissent une inondation, une vaste étendue d’eau artificielle se réduit de manière dramatique. Suite à la destruction du barrage de Kakhovka, les résidents vivant en amont de la structure sont témoins d’un paysage sans précédent, où les bancs de vase se dévoilent progressivement.
Selon les données du projet Theia, le niveau du réservoir a chuté de 3,5 mètres au cours des trois premiers jours qui ont suivi l’explosion, puis de deux mètres chaque jour. Une semaine après la rupture du barrage, le mardi 13 juin, la compagnie Ukrhydroenergo a rapporté une diminution de 72% du volume d’eau dans le réservoir. Sur la plage centrale de Zaporijjia, des résidents, munis de détecteurs de métaux, s’aventurent à la recherche de trésors hypothétiquement enfouis sous ces nouvelles terres dévoilées.
Des découvertes d’autres batailles, comme si « l’histoire se répétait »
L’explosion du barrage de Kakhovka a révélé les vestiges d’un pont temporaire en bois, construit en 1944 par l’Armée rouge après le retrait de l’armée allemande de la rive occidentale, selon les informations fournies par la réserve naturelle de Khortytsia.
En plus de ces découvertes historiques, la baisse des eaux a également mis en évidence une abondance de déchets. À Zaporijjia, des résidents ont organisé des collectes pour nettoyer les rives et se débarrasser des amas de détritus.
Dans la région de Nikopol, située un peu plus au sud, le journaliste ukrainien Denis Kazanskiï a partagé d’autres trouvailles, notamment d’anciennes armes et des crânes de soldats allemands, datant probablement de la Seconde Guerre mondiale, époque où les environs ont été le théâtre de batailles acharnées.
L’évolution du niveau de l’eau doit être évaluée au quotidien
Avant la destruction du barrage, le niveau d’eau enregistré à Nikopol s’élevait à environ 17,3 mètres. Quatre jours après l’explosion, le niveau avait chuté à 10,55 mètres le samedi, puis à 9,04 mètres le lundi. Depuis lors, le niveau est si bas que les capteurs de la compagnie Ukrhydroenergo ne parviennent plus à le mesurer, selon le ministère de l’Environnement.
Les experts sont à la recherche de nouvelles méthodes pour surveiller l’évolution du niveau d’eau alors que le fleuve retrouve peu à peu son lit d’origine, antérieur à la construction du barrage dans les années 1950.
La pénurie d’eau potable se fait déjà sentir, et la situation est alarmante. Et si l’on compare la situation le 5 juin, juste avant la destruction du barrage, avec celle du 13 juin, on peut clairement distinguer la ville de Nikopol à l’extrémité visible sur la rive nord, tandis que la centrale nucléaire se trouve juste en face, avec son bassin de rétention rectangulaire. La destruction du barrage, l’un des six construits à l’époque soviétique le long du fleuve Dnipro, a eu des conséquences incontrôlables. Le lundi, le réservoir avait déjà perdu 14,4 kilomètres cubes d’eau sur les 19 initiaux, comme l’a précisé le ministère de l’Environnement ukrainien sur Telegram.
Et cela risque de durée de nombreuses années
Cette situation met également en péril les activités agricoles, car il n’y aura pas suffisamment d’eau pour alimenter les canaux d’irrigation qui dépendent habituellement du réservoir, a expliqué Roger Falconer, expert en ressources hydriques à l’université de Cardiff, dans un article publié dans la revue Nature. Cela pourrait avoir des répercussions sur les cultures en amont et en aval.
Pour aggraver les choses, le réservoir fournit non seulement de l’eau aux régions environnantes, mais il alimente également le canal de Crimée du Nord. Au total, entre 1,5 et 2 millions de tonnes de céréales sont désormais en situation de risque, selon l’analyse de Maxence Devilliers citée par l’AFP. Certaines parcelles ont été ravagées par les inondations et ne pourront pas être récoltées, tandis que d’autres ne bénéficieront pas d’irrigation cet été. « Il faudra de trois à sept ans pour rétablir l’irrigation » dans toute la région, a averti le ministre de l’Agriculture ukrainien, Mykola Solskiy, soulignant que cela constituerait « un risque inerrant au cours des prochaines décennies « .
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