Carlos Tavares : Une décennie de réussites et de controverses à la tête de Stellantis
Carlos Tavares, patron emblématique de l’industrie automobile, a annoncé sa démission de Stellantis le 1er décembre 2024, un an avant la fin de son mandat initialement prévu en 2026. Le dirigeant de 66 ans a été poussé vers la sortie par le conseil d’administration, en raison de « points de vue différents » sur la stratégie du groupe. Ce départ marque la fin d’une ère, celle d’une décennie marquée par des succès retentissants, mais aussi des critiques et des tensions croissantes.
Un parcours de redressement et de croissance
Tavares avait rejoint le groupe PSA en 2014, après son départ de Renault, où il avait passé 32 ans. À son arrivée, PSA était en difficulté, et l’État français ainsi que le constructeur chinois Dongfeng avaient dû intervenir pour sauver l’entreprise de la faillite. Sous sa direction, le groupe a adopté un plan de redressement, intitulé « Back in the Race », visant à réduire les coûts et améliorer la rentabilité. Les résultats ont été spectaculaires : dès 2015, PSA est redevenu profitable, propulsé par des modèles phares comme le SUV 3008. En parallèle, Tavares a mis en œuvre des réductions d’effectifs et des fermetures de sites pour optimiser la production.
En 2017, PSA a franchi une étape majeure en acquérant la division européenne d’Opel de General Motors pour 1,3 milliard d’euros, un mouvement stratégique qui a permis au groupe de devenir le deuxième constructeur européen, juste derrière Volkswagen. Tavares a su transformer Opel, longtemps en perte, en une marque rentable en quelques années.
La fusion et l’ascension de Stellantis
En 2019, Tavares a orchestré la fusion entre PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA), créant ainsi Stellantis, le quatrième constructeur automobile mondial. Cette méga-fusion, évaluée à 50 milliards de dollars, a réuni plus de 250 000 salariés et 14 marques emblématiques, allant de Peugeot à Jeep en passant par Citroën et Fiat. Sous sa direction, Stellantis a battu des records financiers, avec des bénéfices nets atteignant 18,6 milliards d’euros en 2023, grâce à une stratégie agressive de réduction des coûts et une gestion efficace de la chaîne d’approvisionnement.
Les critiques et les controverses
Cependant, les méthodes de Tavares n’ont pas été sans controverse. Sa réputation de « cost-killer » a suscité des critiques, notamment de la part des syndicats. Les plans de suppression de postes, qui ont réduit les effectifs de plusieurs milliers de personnes, ont souvent été perçus comme un sacrifice des employés pour maximiser les profits. De plus, la politique de Tavares consistant à délocaliser la production dans des pays à bas coûts, comme le Maroc et le Brésil, a provoqué des tensions, notamment avec le gouvernement italien de Giorgia Meloni.
La question de sa rémunération a également fait scandale. En 2023, la rémunération de Tavares, incluant des bonus de performance, avait atteint 36,5 millions d’euros, ce qui avait été jugé « choquant » par de nombreux observateurs et acteurs politiques. Tavares avait défendu son salaire en affirmant que si la loi le permettait, il continuerait à la respecter.
Une fin de mandat marquée par les défis
Le marché automobile mondial a commencé à se détériorer à partir de 2024, notamment en raison de la pénurie de puces électroniques et de la montée des coûts. Ces difficultés ont impacté Stellantis, avec une chute de 48% du bénéfice net au premier semestre et des objectifs de rentabilité revus à la baisse. Le groupe a également été contraint de lancer des rappels massifs de véhicules en raison de problèmes d’airbags Takata et des difficultés techniques sur certains moteurs.
Le départ abrupt de Carlos Tavares, salué par certains syndicats de Stellantis comme un soulagement, met fin à un chapitre qui restera marqué par des réussites notables mais aussi par des choix difficiles et controversés. Le conseil d’administration a souligné un « désaccord stratégique », précisant que les « points de vue différents » avaient mené à sa démission.
Tavares laisse une empreinte indéniable sur le secteur, mais son départ pose désormais la question de l’avenir de la stratégie de Stellantis et de la continuité de la politique de réduction des coûts qui a façonné sa carrière.