Attaque à la prison de Condé-sur-Sarthe : six ans après l’agression terroriste, Michaël Chiolo et quatre coaccusés face à la justice

Plus de six ans après l’attaque terroriste perpétrée à la prison de Condé-sur-Sarthe (Orne), le procès de Michaël Chiolo, principal auteur des faits, s’est ouvert ce lundi 2 juin devant la cour d’assises spéciale de Paris. L’homme de 34 ans, déjà condamné à 30 ans de prison pour un meurtre commis en 2012, comparaît aux côtés de quatre autres détenus soupçonnés de l’avoir soutenu dans la préparation de l’attentat. Tous encourent de lourdes peines, dont la réclusion criminelle à perpétuité pour Chiolo.

Une attaque préméditée en plein cœur de la prison

Le 5 mars 2019, Michaël Chiolo se trouve dans une unité de vie familiale (UVF), un appartement sécurisé où les détenus peuvent passer du temps avec leurs proches. Il est accompagné de sa compagne, Hanane Aboulhana. Vers 9 heures, il met fin prématurément à l’entrevue, invoquant un malaise de cette dernière. Quand deux surveillants pénitentiaires se présentent à la porte, ils sont brutalement attaqués à l’arme blanche. Les assaillants utilisent des couteaux en céramique, passés entre les mailles de la sécurité.

Les deux surveillants, grièvement blessés, parviennent à s’extraire et à enfermer le couple à l’intérieur de l’UVF. Un siège de près de dix heures commence.

Revendication au nom de Daech et intervention du RAID

Retranché, Chiolo affirme via l’interphone agir au nom de l’État islamique et vouloir venger Chérif Chekatt, auteur de l’attentat de Strasbourg en décembre 2018, avec qui il avait entretenu une correspondance en détention. Il menace d’activer une ceinture explosive, en réalité factice. En début de soirée, le RAID donne l’assaut. Hanane Aboulhana est tuée. Chiolo est blessé et maîtrisé après avoir tenté une nouvelle attaque, à coups de couteau et d’acide sulfurique.

Dans l’UVF, les enquêteurs découvriront des textes faisant l’apologie du jihad ainsi que des accessoires simulant des explosifs.

Une cible initiale plus symbolique : le directeur de la prison

L’enquête antiterroriste révèle que les assaillants visaient initialement le directeur de la prison. Selon les déclarations de Chiolo en garde à vue, ils espéraient capturer un surveillant pour exiger un échange contre Jean-Paul Chapu, alors directeur de l’établissement, qu’ils prévoyaient de décapiter.

Les investigations ont aussi mis en lumière l’existence de complicités internes. Quatre détenus, régulièrement en contact avec Chiolo dans une salle de convivialité sous surveillance audio, sont poursuivis pour « association de malfaiteurs terroriste », dont l’un également pour « complicité de tentatives d’assassinats ». Une femme comparaît libre pour avoir, à la demande de l’un des accusés, tenté de se renseigner sur l’introduction de couteaux en prison.

Un procès sous haute tension

Ce procès, prévu pour durer jusqu’au 4 juillet, s’annonce éprouvant pour les victimes. L’un des surveillants blessés a confié souffrir encore d’un syndrome de stress post-traumatique. L’autre espère comprendre pourquoi il a été attaqué “de façon purement gratuite”.

L’avocat de Michaël Chiolo, Me Romain Ruiz, plaide la responsabilité du système carcéral dans la radicalisation de son client. Il dénonce les conditions de détention particulièrement dures, notamment l’isolement prolongé, et affirme que son client attend “de l’écoute plus qu’un verdict”. Il appelle à faire de ce procès un moment d’introspection sur les dérives du système pénitentiaire.

Une prison transformée par l’attentat

Depuis cette attaque, un tournant sécuritaire s’est opéré à Condé-sur-Sarthe. Le personnel parle d’un avant et d’un après. Des contrôles plus stricts ont été instaurés, les sorties encadrées, les équipements renforcés. L’établissement figure aujourd’hui parmi les sites désignés pour accueillir, dès octobre 2025, les détenus les plus dangereux du narcotrafic.